Tendances

L’ère de la postmodernité

Bien souvent, on a l’impression que les modes sont passagères, éphémères, superficielles. Mais elles sont aussi – et surtout ! – le reflet de l’ère où nous vivons :  la postmodernité. Une époque où, comme nous l’explique Mariette Julien, professeure à l’Université du Québec à Montréal spécialisée en mode et symbolique sociale, la mise en scène corporelle, davantage que les choix vestimentaires, sert à construire l’identité personnelle et, donc, les tendances. Ses observations.

TOUT EST À LA MODE

« La mode est très éclatée depuis plusieurs décennies. C’est le problème qu’on voit sur les podiums ; on ne sait pas trop comment définir les tendances, car tout est à la mode ! » Ce qui représente notre époque postmoderne serait plutôt les mélanges, qui vont de pair avec la mondialisation et la rencontre des cultures. « Il ne faut pas oublier que ce sont les jeunes qui font la mode. Ils vont créer des looks qui vont surprendre, détonner, parfois androgynes. Il y a un rapport ludique au corps pour provoquer, mais aussi exprimer leur idée d’un monde idéal. »

RIEN DE NOUVEAU

Dans le domaine des vêtements, rien de très nouveau sous le soleil, remarque celle qui s’intéresse à la mode qui est portée, et non celle plus conceptuelle et théâtrale des podiums. « On ne peut pas dire que les vêtements qui font la mode sont nouveaux : jeans, t-shirts, robes polo, leggings… Même la botte fétichiste, portée au niveau du genou – qui sera encore très populaire en 2016 – existait déjà dans les années 60. »

MISE EN SCÈNE CORPORELLE

La nouveauté, il faut plutôt la chercher dans la façon dont les gens agencent leurs choix vestimentaires. « La tendance vestimentaire, aujourd’hui, ne suffit plus à construire l’identité personnelle. C’est beaucoup plus l’ensemble de la mise en scène corporelle qui va définir le style et créer les tendances. Ainsi, on va choisir de porter un chemisier en carreau avec un bustier en dentelle noire, ou une jupe avec des baskets », dit Mme Julien.

« Avant, on n’aurait pas osé faire des mélanges inusités au niveau des tissus, des imprimés, des vêtements. »

— Mariette Julien, professeure à l’UQAM spécialisée en mode et symbolique sociale

UNE QUESTION DE LOOK

La professeure cible quatre looks qui sont dans l’air du temps : le vintage (les teintes pastel, les noir et blanc graphiques…), l’ethnique (la fourrure, le tribal), le punk (les « pics », les influences manga) et le classique (la marinière). « Ce qui va faire la tendance, c’est la façon de composer notre tenue vestimentaire, mais aussi la coiffure, le maquillage, bref le petit signe distinctif qui va donner l’impression que la personne est tendance. Cela demande une certaine créativité, car il faut choisir à travers une multitude de possibilités. »

LES PHANÈRES

Et les looks ne tiennent plus qu’aux vêtements. Le mot-clé à méditer : phanères, soit les cheveux, les poils, les ongles. Pour les femmes, la coloration rouge pour les cheveux est omniprésente : « Le rouge représente la rebelle, la dissidente. Ève [dans la Genèse] était une rouquine, d’ailleurs. Même dans le film Rebelle, de Disney, la petite fille est rouge ! » La composition corporelle qui a évolué le plus au cours des 20 dernières années et qui sera encore tendance en 2016 ? La décalcomanie (« nail art »). « Le vernis à ongles est arrivé dans les années 40. Les ongles, au niveau de l’élégance, sont venus remplacer les gants. »

NATUREL OU SPECTACULAIRE

Au final, la professeure voit deux grandes vagues de fond : les looks naturels ou spectaculaires. « Les naturels sont dans une quête d’authenticité, avec un retour aux choses plus simples et authentiques. Par exemple, on voit beaucoup de robes en tricot, en maille. Les spectaculaires vont avec la quête de la célébrité. Les gens ont besoin d’être regardés, il suffit de penser à Facebook ; les amis sont ceux qui nous regardent vivre. » Cela dit, peu importe le look, on est « dans l’illusion ». « La mode n’est jamais fonctionnelle : on est dans la représentation. »

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